Poème de la semaine
Joint
Mon père, et ton père, et les pères de nos pères les cheveux
blancs de l'attente dans la queue pour les pâtes dans la cuisine
grasse du Paradis, mon père parfois dans un corps de poisson
et ton père moineau sur la branche d'un érable...
Tous les pères se vêtent de nos cadeaux de prières terrestres
et vantent les uns aux autres leurs fils dispersés.
Nos pères se rencontrent souvent dans les vents
qu'apportent les âmes de ceux que nous appelions époques
et attendent notre irruption sur le quai en plumes
d'anges soyeuses. Il leur tarde à nos pères
que nous mourions aussi et les remplacions
dans la queue pour le pain chaud du paradis.
Et dans les greniers du pays leurs chaussures durcies
sont toujours -comme des cimetières ouverts, comme
des récipients égarés que même le vide n'a pas pénétré...
S'ils nous voyaient nous promener entre les arbres
et la ronde diabolique du début d'avril, ils ne sauraient pas
s'il faudrait rire aux éclats ou s'inquiéter
que leur fils ne sachent pas
où mènent ces chemins évanouissants.
Hadzem Hajdarevic, extrait de Visage de l'eau, éditions Al Manar (traduction du bosniaque par Brankica Radic)