Poème de la semaine
(...)
ce qui compte avec les bêtes c'est le voyage immobile
qu'elles sont et que nous pouvons faire avec elles
dans des régions de l'être inconnues ou incomprises
insoumises
où la frivolité, la douceur, la cruauté, la grâce, le
caprice
la mélancolie, la pensée
ont leurs points d'ancrage
voyager avec les bêtes, dans les bêtes
dans leurs mondes, dans leurs bulles
c'est bien le moins, nous remue
nous promène dans les cachettes visibles
où elles se tiennent et ne nous attendent pas
car nous, les derniers, les tard-venus
nous devons nous demander sérieusement
si nous sommes venus pour autre chose
que pour nous débarrasser de tout l'encombrant
cadeau
des existences qui nous ont précédés et
accompagnés
pendant si longtemps
(...)
Jean-Christophe Bailly
extrait du texte "Singes", dans Le parti pris des animaux, éd. Christian Bourgois